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Les rapports alertant du risque de blanchiment de capitaux et d’un potentiel et occasionnel financement du terrorisme liés aux cryptomonnaies se sont multipliés ces dernières années. Vous l’avez sans doute remarqué.

Suite à ces préoccupations des régulateurs mondiaux, une formalisation des meilleures pratiques à adopter par les intermédiaires en la matière tente d’être établie. Certains rapports n’hésitent pas à aller jusqu’à demander l’interdiction des cryptomonnaies anonymes pour atteindre un résultat satisfaisant… ce qui peut questionner.

Les recommandations du GAFI ont jeté un pavé dans la mare tant elles sont contraignantes pour les intermédiaires en crypto-actifs. De son côté, l’Union européenne peine à suivre ces recommandations, ses directives n’étant plus à jour face aux impacts potentiels des cryptomonnaies. Quant aux législateurs nationaux, ils tentent de composer au mieux et de faire preuve de pragmatisme. 

L’excès de surveillance du GAFI

En octobre 2018, le GAFI a mis à jour ces recommandations relatives à la lutte anti-blanchiment et le financement du terrorisme (LAB-FT). L’instance a étendu leur champ d’application aux crypto-actifs. Elle recommande aux Etats d’assujettir les Virtual Asset Service Provider (VASP) à la réglementation anti-blanchiment. Ce statut de VASP se veut être le plus vaste possible afin d’y faire entrer un maximum d’activités. 

Une transmission mutuelle des informations sur chaque client entre les différents fournisseurs de service qui transfèrent des actifs numériques serait ainsi demandée. Cette norme est la réplique de la « règle du voyageur » appliquée par les banques américaines en vertu de la Bank Secrecy Act (BSA). 

Le GAFI invite les Etats membres à veiller à ce que les VASP vérifient non seulement l’identité de leurs clients, mais aussi celle des destinataires des virements et qu’ils les transfèrent en cas de demande des autorités compétentes. Cette obligation s’appliquerait à toutes les transactions dépassant le seuil de 1 000 USD/EUR. 

Dans la continuité des règles applicables au système bancaire traditionnel, cette recommandation n’a rien d’original ou d’étonnant. Pour autant, en pratique et dans le domaine des cryptomonnaies, les obstacles sont immenses. 

Le 21 juin 2019, le GAFI a publié une note interprétative de ses lignes directives émises en octobre 2018. L’instance charge ses pays membres et observateurs de mettre en œuvre ses recommandations. Elle procédera aux évaluations de mise en conformité des États, une fois qu’elle aura révisée la méthode d’évaluation. Le GAFI annonce que les évaluations commenceront d’ici un an. 

Le GAFI appelle les pays à coordonner leurs dispositifs de LAB-FT, notamment dans le but de supprimer l’arbitrage réglementaire qui est fait par les plateformes de change.

L’Union Européenne peine à suivre

Au plan européen, la transposition de la 4e Directive anti blanchiment du 20 mai 2015, tout juste achevée, vient d’être renforcée par l’adoption d’une nouvelle directive. La 5e Directive du 30 mai 2018 répond aux lacunes qui préoccupaient les autorités face au développement des crypto-actifs. Elle élargit le champ d’application du dispositif LAB-FT aux plateformes de change de monnaie fiduciaire contre cryptomonnaies et aux fournisseurs de service de portefeuille, et uniquement à eux.

Les recommandations du GAFI rendent partiellement obsolète cette directive, comme le soulignaient en janvier 2019 les rapports des deux autorités bancaires et financières européennes, l’ESMA et de l’EBA.

Pour aller plus loin, cliquez ici pour découvrir l’étude de la traçabilité des transactions sur les blockchains publiques et anonymes.

Les États légifèrent de leur côté

En France, depuis l’ordonnance du 1re décembre 2016, les services de change de crypto-actifs sont soumis aux règles LAB-FT. Ils sont dans l’obligation d’identifier le client et le bénéficiaire effectif, ainsi que de déclarer toute transaction suspecte à Tracfin, la cellule de renseignement financier.

Avec l’adoption de la loi PACTE, législateur français impose l’assujettissement aux obligations de lutte contre le blanchiment d’abord aux émetteurs d’ICO ayant obtenu le visa de l’AMF,  mais aussi à l’ensemble des prestataires de services sur actifs numériques agréés (PSAN).

A noter que le décret d’application de la loi PACTE sera signé prochainement, selon les propos du député Pierre Person, recueillis dans une interview du Journal du Coin

Plusieurs Etats ont déjà suivi la même voie que la France, comme l’Allemagne et le Luxembourg. Ces deux pays font aussi appliquer aux plateformes de change les règles classiques applicables en matière de services de paiement. 

D’autres législations, telles que celles de l’Etat de New-York et du Japon, fonctionnent sur un système de délivrance de licence propres aux prestataires de services en crypto-actifs. L’obtention de cette licence implique le respect de règles en matière prudentielle, en matière de cybersécurité ainsi qu’en matière organisationnelle (audit, KYC, etc.). 

Conclusion

Pour lutter de manière efficace contre l’infraction de blanchiment de capitaux, il est nécessaire que les institutions financières nationales collaborent. Elles doivent s’entendre sur le dispositif de préventions, de sanctions ainsi que sur les outils de détection à disposition de leur Cellule de renseignements financiers. 

Pour l’instant, les recommandations fusent et les États légifèrent chacun de leur côté pour tenter d’instaurer une régulation minimale de ces nouveaux actifs. Certains font le choix de rattacher les intermédiaires en cryptomonnaies au statut de prestataires de service de paiement existants ; d’autres préfèrent créer une nouvelle catégorie d’intermédiaires et mettre en place des licences spécifiques. 

Quoi qu’il en soit, cela permet de mettre à la charge des intermédiaires, en particulier les plateformes de change, la réalisation de l’identification de leurs clientèles.

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À propos de Lory Feuvrier

Lory Feuvrier

Lory Feuvrier est consultante juridique spécialisée dans les projets utilisant les crypto-actifs et protocoles blockchain depuis 2017.

Diplômée d'un Master I en Droit des Affaires obtenu au sein de l'université Toulouse I Capitole. Elle a poursuivi ses études avec un Master II spécialisé en Droit Bancaire et Financier auprès de la faculté de droit de Nice Sophia Antipolis.

En parallèle de ses études, Lory s'est intéressée et spécialisée dans ces nouvelles formes d'actifs numériques en travaillant pour les entités Journal du Coin, BitConseil et DL4T.

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